Avec vous, avec le saint peuple de Dieu présent dans vos régions et ses pasteurs, je rends grâce à Dieu pour les 350 ans de la fondation du Séminaire de Rennes par S. Jean Eudes, prêtre saisi par l’Amour du Cœur du Christ et inlassable missionnaire de cet Amour dans les périphéries de son époque. Il fait partie de ces saints, suscités par l’Esprit de Dieu qui ont vu la misère spirituelle des villes, des campagnes et du clergé, et qui ont voulu former des prêtres, à l’image des Cœurs de Jésus et de Marie, pour qu’ils soient des missionnaires et des saints. Dans la grâce de ce Jubilé que vous célébrez, permettez-moi de partager avec vous trois aspects que vous pourrez reprendre avec vos formateurs.

Le premier : brûler avant tout d’un amour ardent pour Jésus.

La Parole de Dieu que vous scrutez avec attention et amour nous montre l’exemple de Pierre auquel Jésus ressuscité pose la triple question : « « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu vraiment, plus que ceux-ci ? » Il lui répond : « Oui, Seigneur ! Toi, tu le sais : je t’aime. » Jésus lui dit : « Sois le berger de mes agneaux » (Jn 21,15). Jésus fonde la mission de l’apôtre et sa charité pastorale à l’égard des brebis sur un amour personnel et préférentiel pour lui. Le peuple de Dieu, avec son flair spirituel, perçoit vite si son pasteur aime vraiment Jésus et, en un sens, c’est ce qu’il attend d’abord de lui. S. Jean Eudes a mis en valeur le fait que cet amour brûlant de Jésus nous fait entrer dans ses sentiments, dans sa mission salvifique et stimule notre désir de Lui ressembler dans les différents mystères de sa vie auxquels nous participons spécialement dans la sainte Eucharistie (cf. Catéchisme de l’Église Catholique, n. 521). L’expérience montre de plus que, sans amour ardent pour Dieu et, en lui, pour le peuple qui nous est confié, notre affectivité trouvera d’autres sources et menacera le don précieux du célibat pour le Royaume.

Cela m’amène au deuxième aspect sur lequel je voudrais insister : ne jamais perdre de vue que le Christ a choisi miséricordieusement comme apôtres des hommes pauvres, limités et pécheurs.

Revenons à la figure de l’Apôtre Pierre : il est généreux et ardent, mais, parfois, en suivant des pensées mondaines, il croit mieux savoir que son Maître : « cela ne t’arrivera pas », dit-il à Jésus qui vient d’annoncer sa passion, sa mort et sa résurrection (cf. Mt 16,21-23). Puis, il le reniera (cf. Mt 26,75). Cette faiblesse l’accompagnera, y compris dans son ministère, alors qu’il a reçu le don surabondant de l’Esprit Saint à la Pentecôte. Rappelez-vous l’épisode où Paul lui reproche ouvertement de ne plus prendre ses repas avec les chrétiens d’origine païenne, par crainte du regard des autres (cf. Ga 2,11-14). Ceci est une tentation toujours actuelle. À notre époque de surexposition médiatique, il est indispensable d’apprendre à vivre, à réfléchir, à agir sous le regard de Dieu, en formant soigneusement sa conscience, afin de prendre des décisions justes, avec un jugement droit et une perception objective des personnes et des événements. Mes amis, que ces années de formation vous permettent aussi de faire sérieusement et humblement le point sur votre humanité, avec ses richesses et ses dons, mais aussi ses défauts, ses limites et ses blessures héritées de votre passé relationnel. N’ayez pas peur ! En vous connaissant mieux, vous pourrez demander à Dieu et mettre en œuvre les vertus qui vous seront les plus nécessaires. La grâce de l’Esprit, la Parole de Dieu, la vie communautaire, vos formateurs et d’autres experts vous aideront dans la connaissance de soi et dans cette croissance humaine intégrale et permanente, si votre cœur est ouvert à la vérité et la cherche sans cesse.

Enfin, le troisième aspect que je désire souligner est la priorité donnée à la prière et à l’annonce de la Parole.

Rappelez-vous la déclaration des Apôtres pour motiver l’institution des Sept au service des tables : « En ce qui nous concerne, nous resterons assidus à la prière et au service de la Parole » (Ac 6,4). Le temps du séminaire est une école de lectio et d’oraison, afin de parvenir à une contemplation constante qui débordera dans notre ministère et toute notre vie sacerdotale. Vous êtes appelés à être configurés au Christ Prêtre, Serviteur, Pasteur et Époux. Comme l’écrit la Ratio fundamentalis, « cette configuration exige une plongée profonde dans la contemplation de la Personne de Jésus Christ, Fils bien-aimé du Père, envoyé comme Pasteur du peuple de Dieu. Elle rend la relation au Christ plus intime et personnelle, et favorise en même temps la connaissance et l’intégration de l’identité
presbytérale » (n. 68). Le temps de la formation initiale vous prépare à être des disciples-missionnaires en toutes circonstances et vous permet déjà de vivre ensemble des moments forts de la mission. Que S. Jean Eudes vous donne son zèle, lui qui a parcouru l’Ouest de la France pour ouvrir les cœurs à la joie de l’Évangile.

Chers amis, soyez assurés que je vous porte, ainsi que vos formateurs et tous les jeunes qui cherchent leur vocation, dans mon cœur de pasteur universel et que je vous présente à Dieu afin qu’il accomplisse en vous et par son Église ce qu’il a commencé. N’oubliez pas non plus de prier pour moi. Recevez tous la bénédiction apostolique que j’étends à vos proches et à vos diocèses, sans oublier les pauvres qui ont la première place dans le cœur de Dieu.

Franciscus.

Du Vatican, le 6 mars 2020